C’est l’histoire d’une femme qui a peur de perdre celui qu’elle aime,
d’une nuit d’ivresse irrémédiable
et d’une petite bulle de savon.

Debout face au miroir de la salle de bain, Mathilde se maquille. Les yeux clos, elle applique du bout des doigts un fard aux  teintes rose et ocre sur ses paupières.
La porte de la pièce entrouverte, elle écoute les reproches de Florence d’une oreille distraite.

-  Prendre du recul ? Oh Mathy chérie, c’est tellement cliché comme excuse !

Un demi-sourire accroché au bord des lèvres, Mathilde esquisse un léger haussement d’épaules qui traduit moins l’approbation que le renoncement. Puis, elle retouche une dernière fois son trait d’eyeliner et éteint la lumière avant de sortir de la pièce:

-  Ce n’est pas toujours une excuse, Flo.

Cette dernière est assise sur le lit et regarde les affaires de son amie d’un œil désapprobateur. Mathilde lui sourit tristement et glisse sa trousse de toilette dans son sac de voyage.

-  Tu fais une grosse erreur, je t’assure. Si tu pars, tu le perdras.

Alors que la jeune femme s’approche d’elle, Florence l’oblige à s’asseoir à ses côtés en la tirant par la main.

-  Tu n’en trouveras pas deux comme lui: crois-moi, j’ai cherché partout ! Tu dois te battre pour le garder !
-  Dis donc, soupire t-elle, tu n’en fais pas un peu trop là ? On ne se sépare pas définitivement, on a simplement besoin de…

Sans réussir à trouver ses mots, Mathilde reste quelques secondes silencieuse puis murmure, les yeux baissés:

-  Et puis, peut-être que je n’ai plus envie de me battre…
-  Par pitié, Mathy, si tu ne le fais pas pour toi, pense au moins à tes filles !
-  Comment peux-tu me dire ça à moi ? J’ai passé les quinze dernières années à ne vivre que pour mes elles, s’emporte Mathilde, rien que pour elles, tu m’entends ? J’ai toujours été raisonnable, j’ai toujours pris les meilleures décisions, j’ai tout donné tu entends ? Alors, au risque de te décevoir, je crois au contraire qu’il est grand temps que je pense un peu à moi et que j’aille de l’avant… D’ailleurs, Laurent a été très clair là dessus hier soir, ajoute t-elle en haussant les épaules.
-  Laurent à simplement besoin que tu lui prouves que tu tiens a lui. Et ce n’est sûrement pas en prenant tes distances que tu vas le retenir !

Mathilde se lève brusquement et ferme son sac d’un coup sec. Les traits tendus et les lèvres serrées, elle réajuste son manteau, plonge un regard sombre dans les yeux de Florence et, en prenant la peine de détacher les syllabes comme pour en mesurer l’effet dans le regard de son amie, elle articule lentement:

-  Stop, ça suffit comme ça, la situation est déjà assez pénible, je n’ai pas besoin que tu en rajoutes avec tes foutues leçons de morales… surtout que tu es vraiment, vraiment très mal placée.
-  Qu’est-ce que tu veux dire ?
-  Tu as très bien compris, Flo ! Retenir un homme, c’est loin d’être ton fort. Alors évite de jouer les conseillères s’il te plait.

Florence ouvre la bouche et la referme sans parvenir à répondre quoi que ce soit. Elle se redresse dans un pauvre élan de dignité et balbutie:

-  J’y veillerai. Fais ce que tu veux.

Elle se lève à son tour et sort de la pièce en claquant la pièce derrière elle.
Mathilde sursaute et ferme les yeux. Elle ne la rattrapera pas. Cette dispute facilitera son départ, tout sera plus facile comme ça. De toute façon, elle n’a plus la force de se justifier… Non, plus la force. Après tout, cette décision, elle l’a prise en accord avec Laurent. S’il avait voulu qu’elle reste, il n’avait qu’à le lui dire, tout simplement. Traînant derrière elle son sac de voyage, elle tente encore de se rassurer tout en descendant l’escalier. Au rez-de-chaussée, elle trouve Lucie assise sur sa valise rose, un petit sourire triste sur le visage.

-  Je suis prête, annonce fièrement celle-ci en levant les yeux vers Mathilde.
-  C’est bien mon cœur. Et tes sœurs, elles sont encore là-haut ?

Lucie acquiesce dans un hochement de tête.

-  Iris ne sais pas où elle a mis son écharpe alors comme tu lui as demandé de la prendre…
-  Et Diane ?

La petite fille hausse les épaules et esquisse une grimace amusée. Mathilde soupire et lui demande d’aller s’installer dans la voiture en l’attendant. Puis, elle remonte les marches quatre à quatre avant de filer vers le chambre de sa fille aînée qu’elle trouve debout, face à son armoire grande ouverte.

- Vous ne pouvez vraiment pas vous passer de moi ? demande l’adolescente en adoptant une expression faussement désespérée, je suis invitée à une soirée dvds chez Claire et on doit regarder tous les films avec Dicaprio depuis Gilbert Grape alors…
-  Diane, la coupe Mathilde avec une douce autorité, je croyais que nous en avions déjà discuté !
-  Oh je sais m’man, réplique l’adolescente en se laissant tomber sur son lit, les bras en croix, mais je n’ai aucune envie d’aller dans ce trou perdu alors que toutes mes copines vont s’amuser ici ce week-end !
- Ecoute je suis trop fatiguée pour te réexpliquer une nouvelle fois les raisons de ce départ. La situation est déjà bien assez compliquée comme ça, tu ne trouves pas ? Je préférerais que tu viennes avec le sourire, mais si tu préfères bouder, c’est ton problème. Quoi qu’il en soit, tu finiras par venir, trou perdu ou pas. Maintenant j’aimerais que tu te dépêches de finir de préparer ton sac. Tu ne vas pas faire un défilé alors tu n’es pas obligée d’emporter toute ta garde-robe !

La jeune femme quitte la pièce sans laisser à sa fille l’occasion de répondre quoi que ce soit. A nouveau en bas, elle trouve Iris sur le pas de la porte, une écharpe rose à paillettes marquée du sigle Barbie autour du cou.

-  Qu’est-ce que c’est que cette horreur ?
-  De toutes les manières, tous les trucs que j’aime, tu les trouve moches ! s’exclame la gamine en levant les yeux au ciel.

Mathilde s’excuse dans un sourire:

-  Tu as raison, reconnaît t-elle en prenant la main de sa petite fille dans la sienne, elle est très bien ton écharpe.

Elles marchent d’un pas rapide sur le petit chemin de graviers qui mène au garage alors que le froid leur fouette le visage. D’un geste vif, Mathilde ouvre le coffre du 4×4 et y dépose les affaires des filles pendant qu’Iris s’installe à côté de sa petite sœur. Une fois dans la voiture, elle souffle sur ses mains gelées et allume le chauffage. Puis, se tourne vers ses enfants:

-  Je suis sûre que ça va nous faire du bien de partir rien qu’entre filles, on va bien s’amuser vous verrez, dit-elle sur un ton faussement enjoué.

Elle monte un peu la température du chauffage. Elle n’ose même pas regarder la maison de peur d’apercevoir le regard de Florence ou la silhouette de Laurent au premier étage. Cinq minutes plus tard, Diane grimpe à son tour dans la voiture, un baladeur sur les oreilles.

-  Il fait super froid en plus, grogne-t-elle en s’attachant, on va se peler à la montagne.

Et elles démarrent ainsi, sans un au revoir ou dernier regard, au beau milieu d’une froide après-midi de novembre. Mathilde sait qu’elle a plus que tout besoin de s’éloigner de cette atmosphère pesante dans laquelle sa famille s’enfonce jour après jour. Elle sait qu’il faut qu’elle s’en échappe si elle veut rester forte. Elle veut partir vite, partir loin… même si elle ne sais pas bien si cela pourra arranger quoi que ce soit. Et si Florence avait raison ? Si elle ne retrouvait pas Laurent à son retour ?

Laurent qui, le front appuyé contre la baie vitrée glacée la regarde s’éloigner.
Laurent qui, une fois encore, n’essaye pas de la retenir.

Machinalement, Mathilde met sa ceinture et appuie sur l’accélérateur. Machinalement toujours, elle allume l’autoradio. La dernière de Lara Fabian, beurk. Elle change. Alizé. Iris la supplie de monter le son. Elle s’exécute sans trop de conviction et ouvre la fenêtre malgré le froid. Elle a besoin de respirer. Jetant un œil dans le rétroviseur, elle sourit en voyant ses filles chantonner à l’arrière.

C’est pas ma fôôôôte, et quand je donne ma langue aux chats je vois les ôôôtreuh, tout prêts à se jeter sur moi …

Laurent ne la voit plus, elle est si loin sa Mathilde. Il sourit presque malgré lui: elle a toujours été si loin. Déjà, au début de leur histoire, il la soupçonnait parfois de penser à un autre tant elle pouvait être lointaine, inaccessible, hors d’atteinte.
Mathilde voit flou, ralentie, hésite. A côté d’elle, Diane est silencieuse et son regard est perdu dans le vague. Lucie et Iris se sont endormies, serrées l’une contre l’autre sur la banquette arrière.
Et si elle faisait demi-tour ?

Il pense à ses yeux, à ses mains, à sa façon de l’embrasser comme s’il lui appartenait.
Il se laisse tomber sur le lit.
Et si il la suivait ?

Elle dessine les contours de son corps, se demande à quand remonte la dernière fois où ils ont fait l’amour. Elle s’agrippe encore un peu plus fort au volant, elle s’y accroche, s’y raccroche… et elle roule, droit devant elle.

Lui, l’imagine. Il pense ses moindres gestes, la détaille. Ce sourire qui l’enivre, ce regard qui le grise et ce petit grain de beauté, là, juste au creux de sa poitrine. Pourquoi l’a-t-il poussé à partir ? Du temps loin l’un de l’autre en période de crise, cela arrangera t-il vraiment les choses ? D’un pas hésitant, il traverse le couloir et frappe à la porte de Florence: elle est la seule à pouvoir comprendre sa peine… et à la partager aussi. Il sait que le départ de Mathilde la rend malheureuse et lui rappelle des moments particulièrement douloureux de son existence. Elle est la seule avec qui il a envie d’être maintenant. Depuis l’adolescence, ces deux là ont toujours tout partagé.

La première fois qu’ils s’étaient rencontrés, Florence et lui, ils étaient encore au collège. Laurent, qui avait passé toute son enfance aux Etats-Unis, venait à peine de débarquer en France et, intimidé par la nouveauté, était devenu assez introverti. Il détestait par-dessus tout traîner avec la majorité des garçons de sa classe qui faisaient des blagues salaces, riaient trop fort et ne parlaient que de football. Quant aux filles, il n’osait même pas y penser… Après les cours, il rentrait toujours directement chez lui en prenant garde de ne croiser personne. La plupart du temps, il marchait en tenant un livre à la main pour se donner une contenance. Pourtant, ce jour-là, il avait du changer ses habitudes.

-  Tu sais, je t’ai vu, lui avait lancé Florence alors qu’il s’éloignait déjà du collège à grandes enjambées.

Sur le coup, il ne s’était pas retourné n’imaginant pas une seconde que c’était à lui qu’on s’adressait. Il avait pressé le pas sans lui prêter attention. Mais, une fois parvenue à sa hauteur, elle avait posé une main sur son épaule et répété d’une voix essoufflée :

-  Hé, t’es sourd ou quoi ? J’te parle ! Je disais : je t’ai vu tu sais.
-  Tu as vu quoi ? avait-il demandé, posant sur elle un regard interrogateur.
-  Ce matin, pendant la pause, tu n’étais pas super discret quand tu reluquais Mathilde !
-  Mathilde ?

Elle s’était arrêté face à lui, les mains sur les hanches, et lui avait bloqué le passage.

-  Arrête !  Mathilde, une jolie brunette aux yeux verts qui reste toujours avec moi. N’essayes pas de me faire croire que tu ne vois pas de qui je parle. Elle t’intéresse, avoue !

Il avait rougit. Elle avait sourit.

-  Moi, c’est Florence.

Ils étaient vite devenus inséparables. Elle adorait qu’il lui raconte des histoires sur sa vie aux Etats-Unis où elle rêvait d’aller poursuivre des études de stylisme et lui, il ne se lassait pas de l’entendre parler et adorait leur complicité. Elle le trouvait différent des autres garçons. Plus sincère, plus cultivé aussi. Il la pensait drôle et spontanée.

Quant à Mathilde, il la croisait de temps en temps chez Florence ou à des soirées. Mais, entre eux, pas question qu’il ne se passe quoi que ce soit. Un jour pourtant, elle avait confié à Florence qu’elle adorait le côté rêveur du jeune homme. Ravie, Florence s’était évidemment empressée d’aller le lui répéter. Il y avait presque cru… mais, Mathilde, elle, en aimait toujours un autre. Le meilleur joueur de basket du club sportif, un étudiant en médecine super canon ou, même, son prof de tennis. Laurent, si discret, si timide, n’était alors pour elle qu’une simple connaissance.

Pourtant, quelques années plus tard, convaincue par Florence et son sens inné de la persuasion, Mathilde s’était laissée entraîner derrière eux sur les routes de Floride, sac aux dos. Ils avaient passé des vacances mémorables allant d’aventures périlleuses en découvertes étonnantes. Ils avaient eu peur, ils avaient rit, ils avaient adoré. Ils s’étaient enfin découverts. Cet été là, Florence avait croisé le regard de Raphaël et ne l’avait jamais oublié. Cet été là, Laurent était vraiment tombé amoureux de Mathilde. Amoureux comme on peut l’être à vingt ans. Il avait aimé sa voix, ses yeux pétillants et son rire en cascade.
Il avait rêvé de ses mains et de ses lèvres roses.
Elle s’était laissée faire …

Il ouvre la porte de sa chambre sans frapper. Florence est assise sur une chaise à bascule face à la fenêtre, un livre à la main. Le cliché ne le fait même pas sourire. Immobile, depuis l’embrasure de la pièce, il murmure comme pour lui même:
-  Elle est partie.
-  Tu aurais dû la retenir.
-  Je sais. Je suis trop faible.
-  Je l’ai été aussi. Ça fait deux ans que j’en crève.

Raphaël est parti un matin d’été.

Il était sorti de la vie de Florence aussi simplement qu’il y était entré. De père américain et de mère française, il avait quitté la Floride un an après leur rencontre pour terminer ses études de médecine en France… et c’est tout naturellement qu’il s’était installé avec elle. Et ils s’étaient aimés comme ça, sans pudeur et sans promesses. Il lui répétait souvent qu’il ne s’engagerait jamais. Elle acquiesçait dans un haussement d’épaules, un demi sourire aux lèvres:
- Je m’en fiche, c’est maintenant que je te veux …

Lorsqu’elle avait appris qu’elle était enceinte, elle avait eu peur de le lui avouer, trop peur de le perdre. Mais, contre toute attente, il avait été heureux, ému, présent même. Elle avait cru à ce bonheur. Elle était devenue sa petite fée. Ils l’avaient appelé Morgane. Morgane, petite fille qu’il avait aussi laissée derrière lui ce matin là. Il s’était justifié, avait cherché quelques mots à lui dire, avait doucement effleuré sa joue mais, dans son désespoir, Florence ne l’entendait déjà plus. Elle l’avait laissé s’en aller sans pleurer, sans se battre. Elle n’était même plus capable de lui en vouloir. Sans doute ne le méritait-elle pas, sans doute n’était-elle pas capable de le retenir.
Il était comme ça, Raphaël, il était libre…

Des jours suivants, elle n’a plus aucune certitude. Tout ce qu’elle sait encore, c’est qu’il est parti il y a deux ans, un matin d’été. Un matin de brouillard au goût de cauchemar, de larmes et de regrets amers.
Et que, depuis, elle étouffe.
Elle est fatiguée et ferme les yeux. Elle rêve qu’il arrive, qu’il s’allonge près d’elle et l’embrasse. Elle peut encore sentir la douceur dans son cou, l’odeur de sa peau. Tout est là… Il suffit d’y penser. Au bout de combien de temps oublie-t-on l’odeur de celui qui vous a aimée ? La dernière fois qu’ils s’étaient enlacés, c’était elle qui l’embrassait. C’était sous le perron de la maison de famille, dans le Var. Il s’était laissé faire. Ça n’avait pas de sens. Plus rien n’avait de sens.
Chaque pensée la tire un peu plus vers le fond. Perdue dans ses réflexions, Florence ne voit pas Laurent sortir de la pièce. Elle trouve ça beau, un homme qui pleure.

__________

Il fait déjà nuit et la voiture parcourt les dernières minutes de son voyage. Les phares éclairent les bandes orange et blanches qui alternent entre chaque virage taillé au creux des montagnes. Mathilde se gare sur le parking à peine éclairé du seul supermarché du village et saute de la voiture. Iris et Lucie s’empressent de suivre leur mère pour se dégourdir les jambes. Diane, elle, s’éloigne pour téléphoner.

- Y’a même pas de réseau ! Mais qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire ici ?

Mathilde hausse les épaules.

-  On va jouer au Scrabble, répond t-elle dans un sourire

Il n’y a plus personne et le magasin s’apprête à fermer. La caissière soupire en voyant Mathilde arriver. Elle promet qu’elle va faire vite. Elle cavale dans les rayons, ses filles sur les talons, et attrape en passant un paquet de pâtes, quelques yaourts et une bouteille de lait pour demain matin.

-  La dame, elle va fermer le magasin et on va rester coincé ici, toute la nuit ! s’amuse Iris en glissant un paquet de chips dans le panier de sa mère.
-  Je crois surtout qu’il faut qu’on se dépêche: la première arrivée aux caisses a gagné !
-  Gagné quoi ? demande Lucie en affichant une moue boudeuse.
-  Un paquet de chips, ça vous va ?

A ses mots, Iris détale déjà. Mathilde prend la petite main de Lucie dans la sienne et court derrière elle. Elles glissent sur le carrelage main dans la main et Lucie éclate de rire. Elles arrivent à la caisse toutes essoufflées et rient encore en sortant du magasin qui s’éteint derrière elles. Lorsqu’elles remontent en voiture, Iris veut absolument conduire et supplie sa mère de la laisser faire quelques mètres. Mathilde, attendrie et résignée, la prend sur ses genoux et guide chacun de ses gestes. La fillette se mord la lèvre en plissant les yeux comme pour mieux se concentrer. Elles font trois fois le tour du parking avant que Mathilde ne réussisse à récupérer le volant.

-  J’suis une pro pas vrai m’man ?

Il neige doucement et le 4X4traverse les rues trop étroites au ralentit. Au loin, Mathilde aperçoit les bordures de la maison, sa maison. Les pneus crissent sur le petit chemin de gravier. Mathilde  gare la voiture devant le portail en bois et descend de la voiture. Les petites sortent à leur tour et sautent à pieds joints dans la neige en se tenant par la main. Diane descend en dernier et marche vers sa mère, les bras croisés contre la poitrine. Mathilde repousse le petit portail, fermé par une simple cordelette et sourit: son enfance s’étale sous ses yeux.

Elle reste un instant immobile à contempler le paysage qui l’entoure: un jardin à l’abandon recouvert d’une fine couche de neige immaculée, quelques arbres sans feuille se courbant sous le vent, une balançoire en bois, des rosiers desséchés… et une maison aux volets clos. Iris sautille dans la neige, manque de glisser deux ou trois fois, et bouscule Lucie sur son passage.  Celle-ci pleurniche, accrochée aux jambes de sa mère. Diane les suit, silencieuse. Mathilde se dirige vers le perron, grimpe les petites marches de pierres et s’arrête quelques secondes sous la véranda avant d’oser ouvrir la porte. Là, elle ferme les yeux, envahit par une farandole de souvenirs. Le parfum de sa mère, l’odeur des averses d’hiver, ses rêves de petites filles, le bois qui craque dans la cheminée et la voix de sa sœur se bousculent dans sa tête.

-  Qu’est-ce que ça pue ici ! On dirait un vieux grenier ! s’exclame Iris en se bouchant le nez.

La pièce est plongée dans la pénombre et l’interrupteur de l’entrée est cassé. Mathilde avance à tâtons pendant qu’Iris fait des bruits de fantôme pour faire peur à Lucie. Laissant glisser sa main contre le mur, elle finit par trouver un nouvel interrupteur. Cette fois, la maison s’éclaire et la jeune femme découvre avec stupeur qu’ici, depuis toutes ces années, rien n’a changé. Sur leur gauche, une petite table en bois entourée de quelques chaises. A droite, une toute petite cuisine et, au centre de la pièce, un canapé rempli de coussins. En face de l’entrée, un escalier mène à l’étage supérieur. Les petites grimpent les marches quatre à quatre, mourant d’envie de découvrir leur nouvel environnement. Là-haut, deux chambres se font face. Une  avec un lit double et l’autre, plus grande, avec un lit en hauteur et un clic-clac.

-  Le lit du haut est pour moi, prévient Iris en se précipitant dans la pièce.

Mathilde prend Lucie par la main, et l’aide à redescendre.

-  Je crois qu’il va falloir commencer par faire la poussière, commente t-elle en faisant glisser son doigt sur la rampe.
-  Super, ironise Diane en affichant une petite moue désespérée, j’ai drôlement hâte de passer ma semaine à me prendre pour Caroline Ingalls !
-  Oh un peu d’entrain Mesdemoiselles, plus vite on s’y met, plus vite on aura terminé !

Tout en parlant, Mathilde soulève les rideaux et ouvre les fenêtres et les volets. Après avoir fouillé les placards de la cuisine et du salon, elle finit par dénicher deux chiffons à poussière et un vieux balais. Iris fait le clown et s’attache un des chiffon sur la tête pour jouer à Cendrillon. Cinq minutes plus tard, la petite fille entame une valse avec le balais. Alors que Lucie éclate de rire, Diane ne peut s’empêcher d’esquisser un vague sourire.

- C’est malin, grommelle t-elle, attendrie.

” Et si ton coeur à l’âme en peine, il faut y croire quand même, le rêve d’une vie, c’est l’amouuuuur… “

La soirée est déjà bien avancée lorsque l’appartement retrouve un aspect accueillant. Lucie aide sa mère à sortir les courses des sacs plastiques et les pose sur la table. Elle tire sur la manche de son pull et lui chuchote:

-  Dis maman, je pourrai dormir avec toi cette nuit?

Mathilde caresse les cheveux de sa fille du bout des doigts et aquiesce en piquant un baiser sur sa petite joue rose. Rassurée, la fillette reste assise à côté de sa mère pendant qu’elle prépare le repas. Dans la pièce voisine, Iris déballe ses affaires et Diane allume la télé en soupirant:

-  Y’a même pas la six, on est vraiment dans un bled !

Après dîner, Mathilde fait couler un bain moussant aux petites. Lucie la regarde faire, assise sur le bidet.

-  Maman, ça devient quoi une bulle quand ça éclate ?
-  Quoi ?
-  Nan, rien…

Iris débarque dans la salle de bain, toute nue, en brandissant un tuba rose fuchsia.

-  J’ai trouvé ça sous le lit, annonce t-elle triomphante.

Elle enjambe la baignoire et, en se servant du pommeau de douche comme d’un micro, elle s’exclame :

-  Appelez les secours si je ne suis pas remontée dans une heure !

La petite fille plonge sous la mousse de leur bain en éclaboussant la moitié de la pièce. Mathilde déshabille Lucie qui entre craintivement dans l’eau chaude. Sous l’eau, Iris fait des bulles, secoue les bras et bat des pieds. Puis, elle remonte à la surface et s’écrie:

-  Notez l’heure Lucie ! Je viens de faire une découverte épousstoufflantissime: un colyoptère femelle vert à écailles !

Et elle s’engouffre à nouveau sous la mousse agrippée au tuyau de douche. Lucie, elle, fixe une petite bulle qui vient se poser sur le rebord de la baignoire. Elle pense qu’elle pourrait peut-être prendre soin d’elle pour qu’elle n’éclate jamais. Elle la mettrait dans une petite boîte et l’emmènerait partout avec elle. Même au cinéma pour la distraire un peu.

-  Tu as vu maman comme elle est jolie ? On dirait une ballerine comme à la télé. Avec un grand tutu qui brille.

Mathilde approuve dans un sourire. Le contraste entre ses deux filles l’a toujours amusé. Elle se reconnaît en elles. Elle est à la fois Iris, petite brune pétillante et résolue, qui mord la vie a pleines dents; et Lucie, blondinette douce et secrète, qui s’étonne du monde qui l’entoure.

Maintenant, Lucie est bien résolue à l’adopter, cette bulle. Avec une impatience contenue, elle la pousse, tout doucement, vers sa petite paume ouverte.

-  Allez, viens, viens avec moi.

Elle y est presque. Mais, au même instant, Diane ouvre la porte de la salle de bain à la volée. La petite bulle éclate. Lucie esquisse une petite moue désolée mais personne ne s’en aperçoit.

-  M’an, lance l’adolescente, y’a Urgences qui commence !
-  Tu ne regardes pas avec moi ?
-  Oh non, c’est trop glauque pour moi ce soir…

Peu encline à supporter la mauvaise humeur de sa fille aînée, Mathilde s’empresse de sortir de la pièce et laisse Diane veiller sur ses petites sœurs.  Mais celle-ci est trop désinvolte: elle ne se doute pas qu’en ce moment même une de ses sœurs explore les fonds marins alors que l’autre tente d’apprivoiser une bulle de savon. Lucie se sent un peu triste parce que sa grande soeur lui paraît si lointaine, si fuyante qu’elle semble déjà s’échapper du monde des enfants pour s’ancrer dans les tristes préoccupations des grandes personnes.

-  Pourquoi tu es triste, Diane ?

La jeune fille la regarde et lui sourit, les yeux brillants.

-  Je ne suis pas triste, Lucie. J’ai un peu peur, c’est tout.

Iris sort la tête de l’eau pour mieux les écouter.

-  Je croyais que tu n’avais jamais peur, s’étonne t-elle.
-  Eh bien si, tu vois. Même les grandes sœurs ont peur, parfois.
-  Et de quoi t’as peur ?
-  J’ai peur que papa et maman se séparent.
-  A cause de cette histoire de que t’es pas notre vraie sœur ?
-  Oui, à cause de ça.

Lucie se lève et, toute dégoulinante, se colle contre la poitrine de la jeune fille.

-  Moi je m’en fiche, t’es ma vraie sœur. Et on se séparera jamais pas vrai ?
-  Non, jamais.

Elles se sont séchées en dansant ce soir là. Et puis, après avoir lu trois fois l’histoire de la petite luciolle qui avait peur du noir, elles se sont endormies, blotties toutes les trois, dans le grand lit en bois.

__________

Avant de partir, elle lui avait expliqué que ça lui ferait du bien de de prendre des vacances puisqu’il fallait partir. Alors elle avait suggéré l’idée de monter passer une semaine au chalet de son père. De toute façon, ses parents n’y montaient plus depuis bien longtemps. Elle se souvenait y avoir à plusieurs reprises passé quelques jours en compagnie de ses parents lorsqu’elle était petite, et le calme dégagé par cet endroit l’avait profondément marquée. Il n’avait rien trouvé à redire et l’avait laissé partir. Après tout, c’est lui qui avait insisté pour qu’ils prennent leur distance. Il savait bien que quelques jours ne changeraient pas grand-chose mais ils ne pouvaient pas se permettre de prendre trop de temps pour réfléchir à cause de Diane, Iris et Lucie. N’étaient-elles pas déjà assez perturbées comme cela ? Mathilde leur avait présenté ces quelques jours à la montagne comme des vacances improvisées et les filles avaient accueillis cette nouvelle avec enthousiasme. A part Diane, évidemment.

Laurent  est debout devant la baie vitrée du salon. Derrière lui, Florence continue de regarder les dessins animés avec ses enfants. Elle est accablée. Elle trouve que les héros sont niais et violents. Morgane s’agace, secoue la tête et lui prie de se taire. Laurent ne les entend pas, son regard se perd dans le vague. Au fond du jardin, la vieille balançoire grince doucement à cause du vent qui souffle de plus en plus fort.

-  J’ai envie de leur parler de Candi, Candi ne parlait jamais d’argent, que d’amour ! s’exclame Florence en posant une main sur son épaule.

Laurent essaye de lui sourire. Elle poursuit, ironique:

-  Remarque, pour ce que ça m’aura servi de faire comme cette greluche de Candi !

Après avoir éteint les dessins animés, ils passent l’après-midi au grenier avec les petits. Les enfants se déguisent.

Morgane agite un éventail devant le visage de son petit frère:
-  Vous avez trop chaud Monsieur le Comte ?
Monsieur la Comte ne peut plus bouger. Il a trop de chapeaux sur la tête.

Florence aide sa fille à descendre un vieux berceau de poupées. Morgane dit qu’il faut le repeindre.
-  En rose ? demande Florence dans un sourire.
-  Comment tu as deviné ?
-  Je suis très forte.
Elles sont dans la cuisine et la fillette pose son menton sur la table. Florence s’assied à côté d’elle. D’un doigt, elle démêle les cheveux roux de sa fille. Morgane regarde sa mère, hésitante. Puis, elle lance :
-  Est-ce que Mathilde va revenir ?
-  Oui chérie, elle va revenir.
-  Avec Laurent ?
-  Je ne sais pas. J’espère.
Il y a un petit silence. Morgane baisse les yeux.
-  Est-ce qu’un jour, toi et papa vous serez encore des amoureux ?
-  Non.
-  Tu en es sûre ?
-  Oui.
-  De toute façon, je le savais déjà.

__________

C’est Lucie qui réveille sa mère et ses sœurs le lendemain matin. Elle fait courir ses poupées sur l’édredon en racontant une histoire de petit chien perdu. Iris touche les cils de sa mère:

-  Tes yeux sont tout collés !

Elles s’habillent sous les draps parce qu’il fait trop froid dans la pièce. Le lit qui grince les fait rire.
La matinée passe rapidement malgré le mauvais temps. Les petites, plus téméraires que jamais et emmitouflées sous plusieurs couches de vêtements, passent des heures à courir dans la neige qui recouvrent le jardin alors que leur mère, assise sur une des chaises en bois un livre à la main, les surveille du coin de l’œil à travers la baie vitrée. Diane en revanche ne montre pas le bout de son nez avant plusieurs heures, seulement rappelée hors de sa chambre par les protestations de son estomac resté vide depuis le petit déjeuner.

Elles passent l’après-midi dans le jardin. La balançoire, cassée, est couverte de neige. Les filles papillonnent autour de Diane qui s’est mis en tête de la réparer. Mathilde les regarde de loin, assise sur un banc encore mouillé.

Il fait froid, il fait beau.

Le jour tire lentement à sa fin et la lumière naturelle du soleil diminue peu à peu. Les derniers rayons du soleil brillent à travers les cheveux de ses filles et elle les trouve jolies.
Elle pense à Laurent. Qu’est-il en train de faire ? Où est-il ? Et avec qui ? Et leur vie, à quoi allait-elle ressembler ?

__________

C’est un dimanche soir, il est minuit et cela fait cinq jours que Mathilde est partie. Quand elle reviendra, ce sera presque la fin des vacances. Un calme à la fois étrange et bienfaisant semble être tombé en même temps que le soir et la maison  respire le silence. Morgane et Hugo sont couchés depuis plusieurs heures et Florence est lovée près de Laurent dans le canapé du salon. Elle n’a rien avalé depuis ce matin.

-  Tu dors ?

Elle secoue la tête. Laurent se lève, va se servir un verre et vient s’asseoir à ses côtés. Lui non plus n’a rien mangé. Le vent souffle toujours et ils sont dans l’obscurité. Elle regarde le feu. De temps en temps, il boit une gorgée de vin et elle l’imite. Ils ne sont ni mal, ni bien. Ils sont simplement fatigués.

-  Tu as faim ?
-  Non.

Il se lève et ouvre le frigo. Il parle pour se donner une contenance.

-  Il y a de la salade et on va faire un plat de pâtes avec. Si je trouve des lardons, je pourrai même faire des carbonaras.

Florence se lève à son tour. Elle referme le frigo, se plante devant Laurent et plonge son regard dans le sien.

-  Alors tu le savais ?

Il hausse les épaules, battu d’avance.

-  Depuis combien de temps ?
-  Depuis le jour où tu es rentrée de Paris.
-  Comment tu as su ?
-  Je l’ai croisé, c’est tout.
-  Et tu ne m’as rien dit ?
-  Non.
-  Pourquoi ?
-  J’estimais que c’était à lui de le faire.

Elle se tait un instant. Les mots qu’elle s’apprêtent à dire lui font mal.

-  Pourquoi il ne l’a pas fait ?
-  Je ne sais pas Flo, sans doute par lâcheté.

Elle s’accroche à Laurent et se cramponne à la table.

-  Je le hais.
-  Tu es saoule.

Il la regarde. Ses grands yeux bleus sont humides et elle tremble. Quelques mèches blondes l’aveugle. Elle bafouille:

-  Tu vois Laurent, je n’ai plus que toi au monde. Raphaël est revenu en ville et il ne prend même pas contact avec moi. Ni avec moi, ni même avec Morgane. C’est sa fille putain ! Il est là, tout près, trop loin. L’homme de ma vie se contre fiche de ma pitoyable existence.
-  Arrête…
-  Même ma meilleure amie me fuie. Elle quitte son mari et elle n’a même pas besoin de moi. Ni de moi, ni de mon soutien.
-  Tu ne sais plus ce que tu dis.
-  Oh que si, je suis très lucide au contraire. Il ne me reste rien. Rien ni personne.
-  Et tes enfants alors ?
-  Mes enfants ? Mais qu’est-ce que j’ai encore à leur offrir ? Une maman qui boite ? Un monde à l’envers ? Je veux bien me lever le matin, m’habiller, me nourrir, les habiller, les nourrir, tenir jusqu’au soir et les coucher en les embrassant. Je peux le faire. Tout le monde le peut. Mais pas plus, de grâce. Pas plus.

Ses phrases sont entrecoupées de sanglots.

-  J’ai…  J’ai bientôt trente cinq ans et je me comporte toujours comme une gamine: je vis à vos crochets depuis des années, je suis incapable d’habiter toute seule. Et en plus, je pense au même homme depuis… Quoi ? Plus de dix ans sans jamais réussir à l’atteindre vraiment.

Elle se laisse tomber sur la chaise de la cuisine et renverse son verre de vin sur le parquet.

-  Putain de merde !

Il essuie ses larmes d’un revers de manche.

-  Cohabiter avec toi est une des meilleures décisions que nous ayons prises, Mathilde et moi, ces dernières années. Je ne regrette pas une seule seconde que j’ai pu passer avec toi.

Elle lui sourit dans ses larmes et murmure:

-  Merci…

Il y a un court silence.

-  Laurent ?
-  Quoi ?
-  Pourquoi je ne suis pas le genre de femmes pour laquelle on se bat ?
-  Flo, arrête.
-  Je ne suis pas désirable c’est ça ? C’est ça le problème ? Je l’ai peut-être été, je ne le suis plus. Regarde-moi, je suis une loque. Ma nuit avec ce bel inconnu croisé sur un boulevard parisien m’a remonté le moral deux petits jours. Je n’en finis pas de tomber, d’être toujours plus mal. Parfois, je donne le change. Parfois, je fais semblant. Mais ça ne dure jamais.

Laurent la sent soudain si fragile qui est pris d’un élan de pitié qui le fait pleurer lui-même. Doucement, il s’agenouille à ses côtés. Il prend son visage dans ses mains et l’attire contre son torse. Elle pleure dans ses bras. Sans réfléchir, il la soulève et l’embrasse. Elle se laisse faire sans un geste. Elle le regarde un instant, interdite.

-  C’était quoi ça ?
-  Le baiser d’un homme qui noie son chagrin dans l’alcool.

Il grimace. Elle sourit en le repoussant.

-  C’est toujours mieux que de le noyer dans le sexe !
-  Tu crois ? En ce qui me concerne, j’ai complètement oublié.
-  Quoi ?
-  Le sexe.

Florence frotte ses yeux bouffis par les larmes et pouffe derrière ses mains:

-  Ça ne sera jamais pire que moi. A mon avis, je ne vais plus tarder à redevenir vierge !
-  N’importe quoi ! Et ta petite aventure de l’autre soir ?
-  Je l’avais déjà oublié, tiens !

Il rit de bon cœur. Elle aussi. Ils rient à en pleurer, ils rient dans l’alcool.

-  A cause de ma putain de fierté, ça fait des mois que je n’ai pas touché Mathilde. Des mois, tu te rends compte ?
-  Tu rigoles ? Tu crois que tu t’en souviens encore ?

Elle se rapproche de Laurent et lève des yeux flous vers lui. Elle cherche à l’attirer contre elle en tirant sur ses vêtements mais elle ne fait que tâtonner dans la quasi obscurité de la pièce. Elle se colle alors tout contre lui et rejette sa tête en arrière pour se laisser embrasser, encore.

-  Fais moi l’amour, Laurent. Prouve-moi qu’on peut encore me désirer … Je t’en supplie.

Sans un mot de plus, il l’allonge sur la table et dégrafe sa robe, doucement, doucement. Elle se laisse faire sans y penser. Ses doigts courts sur son tout corps. Ses lèvres effleurent les siennes et leurs souffles se confondent. Elle ferme les yeux et sent déjà des ondes de plaisirs la secouer par saccades.

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